Paul Biya, 33 ans d’immobilisme

19 août 2015

Paul Biya, 33 ans d’immobilisme

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Libre de droit : commons.wikimedia.org

Depuis un mois, les Camerounais glissent lentement vers une peur insensée, et pour cause, la secte islamiste Boko Haram. Les récents attentats perpétrés par ladite secte dans la région de l’extrême nord du Cameroun mettent en lumière cette cruelle vérité : la paix, credo si cher à notre devise nationale est menacée. Très actif ces derniers temps, le locataire d’Etoundi a pris des décisions urgentes notamment dans le domaine de la sécurité, la restructuration des forces armées et de la police nationale. Cela a t-il toujours été le cas ? Coup d’œil sur trois décennies d’immobilisme.

  • Un gouvernement en pilotage automatique.

Les plans quinquennaux si chers à Ahmadou Ahidjo ont été relégués aux oubliettes et remplacés par une gestion quotidienne sans aucune perspective d’avenir. Aucune prévision axée sur le développement. Biya et son administration ne se sentent pas obligés de rendre compte aux Camerounais de la gestion qui est faite de leur pays. Ils décident de tout, de la misère des populations à leur fortune. Doté d’un salaire de 200 euros selon le magazine jeune Afrique, le natif de Mvomeka’a culmine à une fortune d’environ 200 millions d’euros selon richestlifestyle. Une fortune d’un million de fois plus élevée que son prétendu salaire ! C’est quoi cette mascarade ?
Le Cameroun, pays dont la population est 16 fois inférieure à celle des Etats-Unis compte 3 fois plus de ministères, soit 46. Des fonctionnaires qui après avoir détourné les deniers publics sont pour la plupart immédiatement affectés à un autre poste comme pour être récompensés. Le cas le plus flagrant est celui de Gervais Mendo Ze qui après avoir accaparé plus de 2,616 milliards à la CRTV s’est vu promu au ministère de la Communication.

  • Une jeunesse en perdition.

Désœuvrée et en manque de repères, 80 % de la jeunesse est livrée à elle-même. Les concours administratifs aux frais de participation élevés et aux places chèrement ‘’vendues’’ (ce n’est pas un sujet tabou et il faudrait trouver le bon « réseau » pour ne pas se faire arnaquer…) sont inaccessibles pour le Camerounais moyen. Ajouté à cela la secrète et hasardeuse politique de sélection régionale qui permettrait selon le gouvernement, la restriction des personnes admissibles par ethnie dans un pays où on en compte plus de 200 !
Tout un mécanisme diabolique est mis sur pied pour exploiter au strict minimum le grand potentiel d’une jeunesse qui ne demande qu’à s’exprimer. Un exemple : il y a deux mois, le jury du très respectueux Institut des relations internationales du Cameroun (Iric) procédait à la délibération à l’issue d’un concours d’entrée national. 24 heures après la publication des résultats, une nouvelle liste constituée des fils de hauts fonctionnaires bien connus, une liste venue tout droit du ministère de l’Enseignement supérieur affichait fièrement leurs noms au détriment des candidats méritants. En réponse à ce scandale, le ministre de l’Enseignement supérieur affirmera tout simplement qu’il assume cet acte odieux et sans conséquence puisqu’il est toujours à son poste et qu’il ne risque rien.
Aujourd’hui, la jeunesse essaie de s’inventer tant bien que mal un avenir avec la création de nouveaux métiers tels que le call box, le transport (motos-taxis, pousse-pousse…) Aucun plan n’est mis en place à court ou à long terme pour préparer une réelle insertion sociale. Une jeunesse que Biya ne veut pas rencontrer et à qui il s’adresse une fois l’an lors de la fête de la jeunesse. Cet homme est inaccessible et indisponible. Il n’accorde aucune interview, ne s’adresse au peuple qu’en de rares circonstances et n’a du Cameroun que le souvenir des rares visites dans les chefs-lieux des 10 régions.

  • La promotion de la médiocrité dans le système éducatif

Classées sans suite, les recommandations des « états généraux de l’éducation » sur la révision et la refonte des programmes, remis au gouvernement depuis 1995 suggéraient la professionnalisation de l’éducation qu’exige le contexte économique actuel.
Vingt ans après, rien n’a encore été fait. C’est donc tout à fait logique qu’aucune université du Cameroun ne figure parmi les 500 meilleures du monde ni les 100 d’Afrique. Fallait-il s’attendre à autre chose quand ces universités manquent de tout… Des bibliothèques dont les derniers approvisionnements datent des années 70, pas de connexion internet, de toilettes, de prime de recherche depuis la réduction drastique des salaires des enseignants dans les années 90, de laboratoires suffisamment équipés pour permettre de faire des expériences et des recherches. La conséquence : des enseignants compétents, mais déconnectés, prodiguant des cours non actualisés, dans un monde où tout évolue à la vitesse de la lumière.

  • Pas d’eau et pas d’électricité

33 ans. C’est le nombre d’années qui nous sépare de cette période bénie durant laquelle l’eau coulait comme le lait et le miel dans les différents quartiers des grandes villes. En effet, un réseau de bornes-fontaines publiques alimentait les populations en eau potable, réduisant ainsi le risque de contamination par les eaux souillées. Depuis l’arrivée de Biya, l’expansion de ce réseau est définitivement arrêtée mettant ainsi en péril la santé de millions de personnes. On comprend aisément l’origine des récurrentes épidémies de choléra qui sévissent dans la ville de Douala, capitale économique du Cameroun avec plus de 80 000 en 2011 dont 2 500 décès.
Et l’électricité ? Je n’en parlerai pas. Je ne peux rien voir du tout. Il fait noir. Toute une vie ne suffirait pas pour parler d’une politique aussi peu inventive.
Je m’arrête là.

 

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Commentaires

Crut fotso Christian
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On croirais lire du Christian Tumi en :"Jensen" ! Quand à la vérité il faut bien comprendre qu'une seule hirondelle ne fait pas le présent de loin s'en faut. Or même un président presque omnipotent doit aussi composer avec les réalités socio- culturelles qui composent son pays et à cet aune il fait ce président ce qu'il peut entre une société qui à démocratique a choisir entre dépeçage des petits pouvoirs décentralisés que baron ou troublions l'on s'arrache et une société qui doit faire sienne d'abord l'idée moderne du mot république de droit avec tout ce que d'extérieur l'histoire charrie de guerres froides ou chaude en Charybde et Scylla (pardon pour l'orthographe hasardée ) face à une tradition où état moderne se lisait et se disait ancestrale myriades de petite ou plus grande "chefferie" et royaume Yoruba !