Albert KAMDEM

Parce que je rêve d’être moi-même

 

image libre de droit. pixabay.com

Je fais toutes les nuits le même rêve. Je suis un oiseau blanc, tout blanc, tout auréolé des couleurs de l’espérance. Je plane, les ailes grandes ouvertes tel un aigle et me laisse emporter par les courants vers de nouvelles contrées. Et à mon réveil, la fraîcheur matinale m’apporte le parfum embaumé des villes lointaines et le bruit sourd des débarcadères.

Je veux partir.

Cela fait des mois, que je lutte contre ce sentiment. Ces idées noires qui me saturent l’esprit. Partir au loin, jusqu’au bout de l’horizon, au bout du monde. Partir. Pour me retrouver, revivre. Pour maman qui est tombé dans profonde dépression depuis une dizaine d’année, usée par les multiples procédures, fatiguée de mendier son salaire. Je lui prends tous les jours dans mes bras et lui dit qu’elle doit être forte, qu’elle peut rebondir, faire autre chose. Oui, oui, David, me dit-elle,  je ne suis pas forte. Peut-être que les autres le sont. Le bon Dieu m’a crée toute petite, faible. Je ne peux pas… Et elle pleure. Je pleure aussi. Tout le monde pense qu’elle est possédée par un esprit malin, qu’elle est devenue inconsciente, paresseuse. Mais je sais qu’elle est malade. Très malade. Je dois lui supplier pour qu’elle s’alimente normalement, qu’elle prenne ses médicaments. Des antidépresseurs.

Je veux partir.

Pour ma petite sœur qui me regarde depuis sa huitième année comme un grand-frère, un père. Qui attend de moi que je lui tienne la main au quotidien. Tout comme Dieu le fait pour moi. Je prends souvent sa tête dans mes deux mains, la serre contre moi et lui dit : « Tu ne seras pas comme Séverine, notre ainée. Elle est devenue une prostituée et s’en fout de tout le monde… toi tu es différente, tu dois être différente, oui, tu le seras. » Elle rit. Parce qu’elle ne voit pas mes larmes qui coulent à l’intérieur. Parce qu’elle ne sait pas.

Je vois à travers ses yeux ces sourires qui lui viennent du fond du cœur comme une source jaillissante. Et prie en secret que cet émerveillement lui reste toute la vie. Car en vérité, je ne sais plus sourire, de ce sourire qui dévoile l’emportement du cœur. Peut-être qu’après tout je suis comme maman… La dernière fois que je me suis rendu à l’hôpital, les médecins m’ont dit qu’il fallait absolument que je me détende. Trop de stress. Vous êtes pourtant très jeune, qu’est-ce qui vous tracasse ? Un chagrin d’amour ? Qu’est-ce qui vous tracasse ?

Aujourd’hui, ça fait plus d’un an que je pratique quotidiennement le yoga.  Que je chéris ces heures quotidiennes consacrées à la méditation, assis sur le tapis, le dos bien droit. Ainsi, je découvre chaque jour, au cœur de mon imagination, cette île où je peux me recueillir, fredonner de belles mélodies, celles du silence. Même si après il faut revenir, descendre les pieds sur terre, et accepter. D’avoir été un adolescent adulte sans avoir été aussi fort que je l’aurais pu être. D’être dans une situation qui ne me convient pas. Accepter et sourire à la vie.

Parce que plus profonde est la blessure laissée par le chagrin, d’autant elle pourra contenir de joie.

Parce qu’il y a une étoile derrière chaque douleur, un secret, une surprise, un rêve éveillé.

Parce que je fais toute les nuits le même rêve, celui d’être la personne véritable qui se cache derrière mes peurs, ma fragilité, mon impuissance.

Parce que je rêve d’être moi-même.


Pour toi mon amour…

photo libre de droit: commons.wikimedia.org
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Pour toi.
Pour toi je veux écrire, mais je manque de mots. Les mots pour traduire les évidences, marquer la frontière entre mes peurs et espérances. Je rêve de berges fleuries aux abords d’un étang grouillant de flamants roses, je rêve de toi. De ton sourire, ton visage, ces subtilités qui font de toi une personne précieuse à mes yeux. Et toi que je vois au loin telle une gazelle ivre d’air, de liberté, de verdure et d’espace, si tu n’étais qu’une panthère déguisée ?
Je me souviens de ce soleil éclaté comme un fruit trop mûr, ce soleil qui fut le témoin de notre rencontre, de la naissance soudaine de mon amour. Ce soleil omniprésent qui aujourd’hui encore m’éclaire et me suit. Je me souviens de cette fierté, cette autorité, cette hauteur qui transparaissait dans l’expression de tout ton être. Au-dessus de tes talons hauts, tu me parus comme une tour infranchissable.
Te rencontrer m’a renvoyé à ma peur profonde d’aimer. De quitter la terre et de voler tel un aigle sur la cime des montagnes. Alors, je me suis trouvé un alibi, une échappatoire, un attachement soudain pour la monotonie. La vie de libertin. Cette vie dans laquelle les passions nous submergent et nous emportent vers le ciel en nous gardant les pieds sur terre. Cette vie sans amour véritable où nous pouvons rire, mais pas de tout notre cœur et pleurer, mais pas de toutes nos larmes. Alors, j’ai lutté. Je me suis armé d’un bouclier trop petit pour mon cœur, et d’une épée trop fragile pour me défendre. Peine perdue. Aujourd’hui, je suis ballotté par les grands courants de l’amour.
Pour toi,
Je veux être heureux, me lever avec l’espoir d’une journée où il m’est donné d’aimer : la terre, la mer, les hommes, les montagnes. Laisser ce trop-plein d’amour s’épancher jusqu’au bout du monde. Le mettre dans chaque mot, chaque geste, chaque pas ; le laisser transformer ma vie et me rendre meilleur.
Pour toi mon amour,
J’ai longtemps cessé de lutter contre les grandes forces de l’amour. À ce moment où j’écris ces quelques lignes, j’ai l’impression de déclarer ma flamme à la Terre tellement autour de moi tout paraît étrange, féerique, irréellement coloré. Si aujourd’hui je t’ai perdu de vue et qu’au bout du monde tu ne sais pas toutes ces choses, au moins, le monde le sait déjà. Et ma vie est belle comme ça.
Je t’aime.